Il mensile "Le bulletin célinien" è da ben 35 anni la più importante pubblicazione céliniana, grazie alla passione di Marc Laudelout. Nel numero di questo mese, ben tre pagine sono dedicate al libro "Louis-Ferdinand Céline - Saggi, interviste, ricordi e lettere", il titolo della recensione che riporto in calce al post, "Andrea Lombardi erige un monumento a Céline", dà veramente la cifra di un impegno non tanto a "glorificare" uno dei romanzieri e rivoluzionari della letteratura maggiori al mondo, quanto alla mia passione nel "costruire" mese dopo mese e anno dopo anno (come citato nell'articolo, il mio blog di inediti e novità céliniane nel 2017 compie dieci anni... e per l'occasione è in preparazione una nuova edizione, ampliata negli scritti céliniani, del libro - questa attuale, limitata a 200 copie e in esaurimento, diverrà quindi "da collezione") una sempre più sfaccettata visione del geniale "Profeta dell'Apocalisse" di Meudon.
Andrea Lombardi érige un monument à Céline
Cet ouvrage, formellement très élégant, est dû au céliniste italien Andrea Lombardi. Il regroupe une vaste production éditoriale faite de témoignages, lettres et écrits –majoritairement inédits pour le public italien – de et sur Céline. La matière du volume rappelle celle des Cahiers de l’Herne réalisés par Dominique de Roux auquel il est d’ailleurs dédié. (En hommage à ce précurseur, rappelons l’édition, dirigée par le même Lombardi, de la traduction italienne de son essai La mort de L.-F. Céline). Les cinq volets qui composent cet ouvrage (essais, commentaires, souvenirs, entretiens, lettres) sont judicieusement entrecoupés d’une série de photos à haute résolution en noir et blanc ou en couleurs, dont certaines rares ou inédites, comme celle de Céline en compagnie d’Abel Gance. La deuxième partie, qui va des entretiens aux lettres, est passionnante, tout comme la partie consacrée aux essais et commentaires, parfois fulgurants, de ceux qui ont lu ou côtoyé Céline : Kurt Vonnegut, Ezra Pound, William S. Burroughs, le prix Nobel Saul Bellow (“Céline ? Un incroyable casse-tête”) et Charles Bukowski (lequel, après avoir mangé des tonnes de crackers en lisant Voyage d'un seul trait, affirme être le deuxième plus grand écrivain du monde après Céline !).
Ce recueil n’est pas organisé autour d’un thème précis et le contenu de chaque section est riche et varié. Au-delà des réflexions sur le style révolutionnaire, l'argot, le rôle de médecin, l’exil enduré au Danemark, les longs débats suscités par les pamphlets et le refus d’être inclus dans toute chapelle littéraire ou politique, ce qui émerge de ces pages est une surprenante – voire constante – contradiction entre l’homme et l’écrivain, la même qui suscite vif éloge chez certains (Maud de Belleroche, Éliane Bonabel, Gerhard Heller) et implacable critique chez d’autres (le témoignage du compagnon de nombreuses réunions montmartroises Gen Paul étant, à cet égard, exemplaire).
En ce qui concerne le rayonnement de l’œuvre célinienne via les traductions, Gianni Celati se souvient qu’à son époque, il était fréquent – mais vain – d’atténuer l’impact de l’écriture de Céline avec de frileuses préfaces opérant une distinction entre le pour et le contre et en ne mettant l’accent que sur le génie maudit en soulignant le prétendu état d’inconscience de ce qu’il faisait ou disait pour conclure en affirmant que décidément il était à prendre avec des pincettes. L’impression étant qu’il n’y a guère de place pour Céline là où les frontières de l’officialité culturelle sont érigées, aujourd’hui comme hier. Cesare Cases, Leonello Rimbotti, Pol Vandromme et Pierre Duverger nous parlent d’un Céline incarnant la « lucidité de notre horreur » ou traitent de sa puissance prophétique sur plusieurs thèmes (guerres, colonialisme, société américaine, banlieues parisiennes, vanité et hypocrisie des grands sentiments humanitaires), quelque chose d’encore plus inquiétant si nous l’appliquons à ce qui est en train de se dérouler en Europe sous plusieurs aspects depuis très longtemps.
La traduction inédite de Girolamo Melis de l’entretien de Céline à Robert Sadoul en 1955 (“Au début était l’émotion”) rend hommage au premier entretien donné après son retour du Danemark, texte précurseur car il anticipe toutes les idées que Céline reprendra dans ses conversations ultérieures avec les journalistes.
Nous avons beaucoup apprécié le témoignage touchant – et juste – de l'artiste et poète Emilio Tadini sur la figure de Lucette, présence silencieuse et dévouée, à la fois docile et forte qui a toujours parfaitement contrebalancé les extravagances céliniennes ; elle représente vraiment ce que recouvre l’expression “se mettre dans la peau de quelqu'un”. Nous signalons également l’entretien donné à Jacques Chancel sur le rôle de la télévision dans nos vies (“C'est un prodigieux moyen de propagande […] un élément d'abêtissement en ce sens que les gens se fient à ce qu'on leur montre. Ils n'imaginent plus. Ils voient. Ils perdent la notion de jugement et ils se prêtent gentiment à la fainéantise” et encore “Tout comme la littérature, la télévision a besoin d'un style”) et l’extrait d’un long entretien d’Éric Mazet où il aborde à contre-courant les aspects « brûlants » de la vie et de l’œuvre de Céline (notamment, l’importance capitale de Mea culpa qui représente un tournant littéraire, stylistique et existentiel chez Céline ) pour nous faire voir que du Destouches, l’homme et l’écrivain, nous n’en avons pas fini de faire le tour.
Ne pouvait pas manquer une sélection des lettres que Céline a écrites à la presse collaborationniste française – dont Lombardi a dirigé les traductions inédites dans un recueil paru en Italie en 2011 – où il tient à préciser le fait que certaines études récemment publiées en Italie ont tenté de peindre un Céline complètement étranger aux milieux collabos, ou, pire, un Céline communiste, lorsqu’il est évident que dans ses lettres il reprend – de façon plus patriotique que dictée par une orthodoxie national-socialiste – les arguments des pamphlets ; de la France enjuivée aux critiques des politiciens français de l’époque, en passant par une division « raciale » entre le Nord de la France, celte et actif, et le Sud, provençal et oisif. Même les échanges épistoliers de Céline avec le docteur Alexandre Gentil, dont nous retrouvons un exemple traduit ici, révèlent des détails précieux sur la vie quotidienne avec Lucette pendant l’exil danois, leur odyssée en Allemagne à la fin de la deuxième Guerre Mondiale, ainsi que la réapparition de ces fantômes maintes fois ressassés avec une virulence extrême dans Bagatelles pour un massacre et dans les autres pamphlets.
Toutes ces considérations faites, nous sommes tentés de dire qu'il s’agit de la suite – sans doute plus aboutie – d'un volume précédent dirigé par Lombardi dont le titre est L.-F. Céline in foto, comprenant les articles des quatre premières années de son blog, le premier à être consacré à Céline en Italie et qui fêtera ses dix ans d'activité en 2017 (http://lf-celine.blogspot.be) Selon l'avis de plusieurs journaux italiens (régionaux et nationaux), ce vaste aperçu de témoignages comble une lacune éditoriale peu compréhensible pour un pays ayant une longue tradition d'études sur l'écrivain français et son œuvre. Une œuvre ouverte, in fieri, celle d’Andrea Lombardi, qui s’adresse aussi bien à des néophytes qu’à des céliniens patentés ; un fleuve qui par moments « étourdit », comme une légère ivresse ou l’écoute d’une séance de free jazz, tellement se superposent les images d’un seul personnage. Lequel, encore aujourd’hui, rugit contre tout et tous et que les voix – une centaine ici recueillies – connues et moins connues, étrangères et italiennes, l’éclairent ou le noircissent.
En guise de conclusion, nous souhaitons reprendre les mots que l’artiste protéiforme Gian Ruggero Manzoni a dédiés à Céline : (nous traduisons) « Nous sommes tous dignes l’un de l'autre ; entre les murs du désespoir, demeure notre orgueil ; la fonction des intellectuels est de sortir de la masse et d’aller là où personne n’a mis le pied ; quoi qu’il en soit, nous aurons essayé ; nous n’avons pas d'autres droits que celui de creuser ce qu’une minorité a pressenti, afin que tout le peuple puisse en tirer profit. »
Valeria FERRETTI
• Andrea LOMBARDI (avec la collaboration de Gilberto Tura), Louis-Ferdinand Céline. Saggi, interviste, ricordi e lettere, Italia Storica, 2016, 324 pp.gg.
Contact : A. Lombardi, Via Onorato 9/18, 16144 Genova, Italie. Adresse électronique : ars_italia@hotmail.com
Nessun commento:
Posta un commento